Appel à expérimenter jusqu’au 16/06/2024
logo-parisandco-bleu

Ruben Uzan est Directeur Europe, formateur et consultant chez Marketing Face à Face inc. Il aide les entreprises à multiplier par 3 leurs leads sur les salons, congrès, en réseautage et à rentabiliser leurs investissements. 
3 questions à notre expert des salons professionnels.

Ruben Uzan

Beaucoup se demandent si les salons sont encore utiles à l'ère du digital ?

Ils sont d’autant plus fondamentaux que nous sommes justement submergés par le digital !
Je citerai Nissim Taleb dans son livre Antifragile: Things That Gain from Disorder qui décrit très bien comment les anciennes technologies ont la vie longue, survivent mais surtout prennent de la valeur à l’arrivée des nouvelles technologies à la durée de vie paradoxalement moins longue. Et si l’on considère un canal de vente comme une « technologie » pour vendre, alors les salons sont le deuxième plus vieux métier du monde.           
Autrement dit,  c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures. Et des nouveaux pots, il y en a des tas, qui se succèdent à une vitesse folle dans le digital. Facebook, Instagram, Linkedin, Shapr, SnapChat, Tik Tok, chaque nouvel arrivant tente de chasser le précédent et ajoute un peu de confusion à l’ensemble. Imaginez :  si c’est difficile à suivre pour les entreprises, c’est pareil pour les utilisateurs. Comme le disait Gary Vaynerchuck, les marketeurs ont tendance à tout flinguer. Le marketing suit, comme la mode,  des tendances; les premiers qui s’y lancent ramassent le tapis, les suivants se mangent les pieds dedans. 

Alors les salons dans tout ça ? Et bien c’est comme avec les applis de rencontre, à un moment il faut repasser ou revenir au réel. Et la réalité de la rencontre business si vous voulez rencontrer de nouveaux clients, c’est à dire des inconnus, c’est sur les salons que cela se passe. A moins que votre activité soit 100% digital, en mode pure player, si vous passez par la rencontre humaine à un moment de votre tunnel de vente, alors les salons sont fortement recommandés.
La dernière étude de l’UNIMEV en France les classe ainsi comme le meilleur outil de marketing en terme de rapport coût efficacité avec un R.O.I. de 10, 8 à 10 mois après le salon. Vous avez bien lu, R.O.I. de 10 fois le montant investi en BtoB. Alors, s’il ne faut plus hésiter à participer à un salon, il est par contre essentiel de bien les choisir, et surtout, de bien les préparer. Si vous semez n’importe quoi n’importe comment c’est ce que vous récolterez. 

Vous proposez une approche anglo-saxonne aux exposants français, pourquoi ?

Les américains, comme en parle avec brio l’expert Pascal Baudry, sont dans le monde, la culture la plus explicite. Ils apprécient ainsi particulièrement les process. Si vous en doutez, pensez aux entreprises qui trônent à Wall Street, Apple, Google, Amazon, Facebook, toutes occupées à « processer » les échanges, l’information, les livraisons et même vos amis ! Ils aiment découper les choses, les rendre intelligibles pour mieux les maîtriser et les organiser. 
C’est donc tout naturellement chez eux que les processus psychologiques liés à la vente, et à la vente sur salon en particulier, ont été les plus étudiés pour être transformés en espèces sonnantes et trébuchantes. 
C’est à cette école Nord Américaine que j’ai été formé. Je me souviens encore de ma rencontre, fruit du hasard qui fait bien les choses, avec Julien, qui dirige Marketing Face à Face au Canada. Il donnait un atelier sur l’optimisation de la participation à un salon. J’en suis sorti complètement déboussolé et  désarçonné en me disant « mais bon sang si j’avais su ça avant j’aurai abordé les salons d’une autre façon ». C’était comme de découvrir dans les coulisses d’un show de magie les trucs et astuces qui allaient être utilisés sur scène.

Et pourtant j’avais pourtant participé à de nombreux salons (un de mes premiers jobs étudiant était d’ailleurs monteur de stand, comme quoi) 
Lorsque Julien m’a proposé de rejoindre son entreprise qui opérait au Canada et aux USA, je lui ai dit « il faut absolument que les français découvrent ce que tu enseignes ». Et puis,  il faut avouer qu’en travaillant sur les salons en Amérique du Nord avec ses équipes, j’avais un peu honte de l’attitude de mes compatriotes sur les salons Nords Américains, à se cacher dans leur stands derrière leurs macarons, complètement dépassés par les Nords Américains qui eux étaient là pour faire du business, pas de « l’image ».
Après, chacun ses biais culturels. En France on appelle ces évènements des « salons », avec tout l’imaginaire que cela rappelle dans nos inconscients, pas étonnant d’y trouver fauteuils et petits fours. Outre Atlantique on parle de Trade Show. Chez Marketing Face à Face, en France comme au Québec on dit à nos clients de renommer les salons « places de marchés », ça permet de mieux se représenter la réalité. C’est donc pour  apporter à mes compatriotes cette approche bien plus plus efficace que nos (plus très bonnes) vieilles habitudes que je suis venu ouvrir un bureau à Paris.

Quels sont les éléments que devraient prendre en compte les exposants français lorsqu'ils vont sur les salons ?

Le premier, c’est de se dire qu’on va sur un salon pour entamer une relation avec de nouveaux clients potentiels, pas pour répéter un pitch à tout va au premier venu comme un perroquet. Et là, je m’adresse aux startups comme aux grands groupes (qui se sont mis au pitch eux aussi) qui pensent que c’est comme cela qu’on vend, en pitchant.  Hormis les cas particuliers où vous vous trouvez devant un public qui vous demande de vous présenter (investisseurs, levée de fonds, soirée pitch) ce n’est absolument pas par cela qu’il faut commencer. Il y a d’ailleurs une expression en anglais qui a une connotation péjorative « to be pitchy ». Plus qu’un perroquet, vous passerez pour un épouvantail  auprès des visiteurs. On en est encore malheureusement là en France. 
Alors comme pour chaque relation qu’on va entamer, il se faut se poser la question du « match » et il ne s’agit pas de Rolland Garros. Qui est-on ? Qui est l’autre ? Que veut-il ? Que voulons nous et est on compatible ou complémentaire ? C’est ce que nous travaillons dans nos ateliers avec nos clients. Identifier leurs cibles, leurs besoins et la façon de les aborder et de créer des relations commerciales.

Le second c’est de se préparer. Cela veut dire adapter son message marketing pour les salons, mais aussi adapter son discours, ses techniques « d’abordage » et son état d’esprit au marché à ciel couvert qu’est un salon. Cela veut dire parfois, refuser d’envoyer certaines personnes qui ne sont pas faites pour ce genre d’environnement ultra concurrentiel où tout se passe très vite et investir sur ce qui est essentiel et réellement utile. Quand je vois l’argent dépensé dans des goodies sans aucun valeur ajoutée, de la nourriture et du champagne au lieu de former les équipes, je me dis que c’est vraiment du gâchis.

Troisième élément à prendre en compte: les suivis. 80% des suivis partent… aux oubliettes. Pourquoi ? 
Parce que les exposants ne sont pas préparés à faire ces suivis et surtout quand ils les font, ils les font mal. 
Je passe la plupart de mon temps sur le terrain, dans les halls d’exposition ou quand je ne suis pas avec mes clients, je joue les visiteurs mystères. Le constat est affligeant. Entre les exposants le nez rivé dans leur téléphone, ceux qui sautent sur les visiteurs pour leur balancer leur pitch (en oubliant que c’est le 50ème de la journée pour eux) ou les mails de suivi automatisés sans aucune âme et sans aucun intérêt pour les visiteurs, il y a de quoi se faire des cheveux blancs. Et après, on entend des exposants venir se plaindre de ces salons qui seraient, d’après eux, des pertes de temps. Oui, je le leur confirme, leur façon de faire est une perte de temps et donc d’argent. Et pour les visiteurs, c’est aussi une perte de temps et surtout une vraie déception alors qu’ils avaient pourtant fait la démarche de venir. 

La cause ? Toujours la même, un manque de préparation, mais aussi de connaissance sur la création et l’entretien de bonnes relations. Et il faut dire là encore, qu’internet n’a pas fait que du bien aux relations humaines dont les relations commerciales font partie. J’en reviens à dire qu’entre les mauvaises habitudes des anciens et les capacités relationnelles des millenials ce n’est pas de la formation que nous faisons, mais de la correction de déformations. Mais je vous rassure, une fois qu’on a (re)pris le bon plis, les salons, ça devient non seulement un vrai plaisir, mais surtout un super moyen de trouver de nouveaux clients avec un R.O.I. à rendre les facebook adds et le social selling jaloux.

Partager cet article